Dans un retournement spectaculaire, le président malgache Andry Rajoelina a publié ce mardi un décret présidentiel, annoncé sur la page Facebook de la présidence, ordonnant la dissolution de l’Assemblée nationale. Cette décision intervient alors que les députés entamaient une session extraordinaire pour voter une motion de destitution contre le chef de l’État, accusé d’abandon de poste. Un véritable bras de fer politique s’engage dans un climat de tensions extrêmes.
Une dissolution pour bloquer la destitution
Alors que les députés, réunis dans l’urgence, annonçaient avoir recueilli assez de signatures pour lancer la procédure de destitution, le décret présidentiel a pris tout le monde de court. « Ce choix s’impose pour rétablir l’ordre au sein de notre Nation et renforcer la démocratie », a justifié Andry Rajoelina sur ses réseaux sociaux. Une déclaration qui tranche avec l’ambiance survoltée à l’Assemblée nationale, où environ 120 des 161 députés étaient présents pour voter la déchéance du président.
Le vice-président de l’Assemblée, le député Siteny, chef de l’opposition, a immédiatement dénoncé une « violation de la Constitution ». Selon lui, le décret, signé depuis l’étranger et dépourvu de cachet officiel, est illégal, notamment parce que le président de l’Assemblée n’a pas été consulté, contrairement à l’usage. Rappelons que Rajoelina, contesté depuis des semaines, aurait quitté Madagascar dimanche à bord d’un avion militaire français, alimentant les accusations de vacance de poste.
Les députés défient le décret
Face à ce qu’ils considèrent comme une manoeuvre désespérée, les députés, issus de l’opposition mais aussi de frondeurs pro-régime, ont décidé de passer outre le décret. Dans une ambiance électrique, ils ont poursuivi le processus de vote pour destituer le président, espérant réunir les deux tiers des voix nécessaires. « Nous ne reconnaissons pas ce décret illégal », a déclaré un député contacté par RFI.
Une crise politique et sociale explosive
Ce coup de théâtre s’inscrit dans un contexte de crise majeure. Fragilisé par des manifestations populaires contre les coupures d’eau et d’électricité, qui se sont transformées en contestation de son pouvoir, Rajoelina a vu une partie des militaires rallier les manifestants ce week-end. Lundi, dans une allocution télévisée, il avait exclu toute démission, appelant à « respecter la Constitution » et au « dialogue » avec la jeunesse, à l’origine des protestations. Ses propos, jugés moralisateurs, ont attisé la colère. « Douze ans au pouvoir, et il continue de nous faire la morale et de nous rejeter la faute », s’indigne un internaute sur les réseaux sociaux.
Le décret de dissolution a amplifié la fureur en ligne. « Monsieur le président, si seulement vous aviez fait preuve d’autant de détermination pour le développement réel du pays », ironise une internaute. Un autre accuse : « Cet ultime acte de trahison prouve que vous n’aimez pas notre pays. »
Vers une impasse constitutionnelle ?
Alors que le Sénat, encore en place, n’a pas le pouvoir de destitution, la dissolution bloque pour l’instant la procédure. Mais la contestation du décret par les députés pourrait plonger Madagascar dans une impasse constitutionnelle. Les prochaines heures seront cruciales pour déterminer si les parlementaires parviendront à destituer Rajoelina ou si ce dernier réussira à conserver le pouvoir par ce coup de force.
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