Un véritable séisme politique secoue le Bénin. Dans la nuit du 15 au 16 novembre, l’Assemblée nationale a adopté à une majorité écrasante (90 voix pour, 19 contre) une révision constitutionnelle majeure, impulsée par le camp du président Patrice Talon. Cette réforme, qui modifie en profondeur les institutions du pays, ouvre la voie à une longévité accrue au sommet de l’État et transforme le paysage législatif. Mais elle suscite déjà une vague de polémiques sur les risques d’autoritarisme et d’ingérences régionales.
Un mandat présidentiel étiré à 7 ans : la clé de voûte de la réforme
Au cœur de cette révision figure l’extension du mandat présidentiel de 5 à 7 ans, renouvelable une seule fois. Adoptée dans un climat tendu, cette mesure stratégique pourrait permettre à Patrice Talon, réélu en 2021 pour un second et dernier mandat (jusqu’en 2026 sous l’ancienne Constitution), de briguer un troisième terme en 2026. À terme, cela représenterait potentiellement 14 années supplémentaires au pouvoir, jusqu’en 2040. Les partisans y voient une stabilité bienvenue pour les réformes économiques ; les opposants, un coup de force contre les principes démocratiques.
Bicaméralisme à la béninoise : naissance d’un Sénat « conseil de sages »
Autre changement radical : le Bénin passe d’un parlement monocaméral à un système bicaméral. L’Assemblée nationale cohabitera désormais avec un Sénat nouvellement créé, conçu comme un « conseil de sages » selon les termes d’un député proche de Talon. Composé de 69 membres élus pour 7 ans, ce Sénat aura pour mission de « représenter les collectivités territoriales et les traditions ». Les observateurs s’interrogent sur son rôle réel : frein ou simple chambre d’enregistrement au service de l’exécutif ?
Tous les mandats alignés sur 7 ans : une uniformisation contestée
La vague d’extensions ne s’arrête pas là. Les mandats des députés, maires et conseillers communaux passent également à 7 ans, renouvelables. Cette harmonisation vise à « synchroniser les cycles électoraux » et à réduire les coûts, argue le Bloc Républicain et l’Union progressiste, majoritaires à l’Assemblée. Mais pour les détracteurs, comme l’ancien président Thomas Boni Yayi, c’est une recette pour « pérenniser le pouvoir en place » et affaiblir l’opposition.
Ombres d’influences régionales : Macron et Ouattara dans l’équation ?
Derrière cette réforme express, des rumeurs persistantes évoquent des consultations informelles entre Patrice Talon, le président français Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara. Si ces échanges ne sont pas officiellement confirmés, ils alimentent les soupçons d’une coordination sous-régionale pour consolider des régimes alliés face aux instabilités ouest-africaines. L’Élysée et la présidence ivoirienne n’ont pas réagi pour l’instant, mais cette dimension internationale risque d’attiser les critiques sur une possible « ingérence française » en Afrique de l’Ouest.
Répercussions : un Bénin à la croisée des chemins démocratiques
Votée à l’aube dans une session marathon, cette révision doit encore passer par un référendum ou une validation par le Conseil constitutionnel pour entrer en vigueur. Mais son adoption marque un tournant : le Bénin, jadis modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, glisse-t-il vers un présidentialisme renforcé ? Les élections législatives et locales de 2026, repoussées à 2027, seront scrutées de près. Au-delà des frontières, cette affaire pourrait inspirer – ou inquiéter – d’autres leaders de la CEDEAO.










