Le monde du reggae est en deuil. Jimmy Cliff, l’icône jamaïcaine qui a propulsé le genre au sommet des charts mondiaux avec sa voix suave et ses hymnes intemporels, est décédé ce lundi 24 novembre 2025, à l’âge de 81 ans.
Une perte immense pour la musique, annoncée par sa femme Latifa Chambers sur Instagram, qui laisse derrière elle un héritage vibrant de résistance, d’espoir et de joie contagieuse.
C’est une saisie suivie d’une pneumonie qui a emporté l’artiste, comme l’a révélé sa compagne dans un message poignant : « C’est avec une profonde tristesse que je partage que mon mari, Jimmy Cliff, a franchi le seuil suite à une saisie suivie d’une pneumonie. Je suis reconnaissante envers sa famille, ses amis, ses collègues artistes et tous ceux qui ont partagé son voyage avec lui. Jimmy, mon chéri, repose en paix. J’honorerai tes volontés. » Signé également par leurs enfants Lilty et Aken, ce communiqué souligne le soutien indéfectible des fans, « sa force tout au long de sa carrière ».
Né James Chambers le 30 juillet 1944 dans la paroisse de Saint James, en pleine tempête tropicale qui ravagea la maison familiale, Jimmy Cliff grandit dans la pauvreté au sein d’une fratrie de huit enfants. Dès l’enfance, il chante à l’église et s’inspire des sound systems de quartier. À 14 ans, il s’installe à Kingston, adopte son nom de scène et commence à écrire des chansons qui capturent l’âme jamaïcaine : une fusion de ska, rocksteady et reggae, imprégnée de soul et de R&B.
Sa percée internationale arrive en 1972 avec le film The Harder They Come, réalisé par Perry Henzell, où il incarne Ivanhoe Martin, un musicien jamaïcain confronté à la misère et au crime. Ce rôle, à la fois naturel et énergique, selon le critique du New York Times A.H. Weiler, brise les stéréotypes touristiques de la Jamaïque insouciante et propulse le reggae sur la scène mondiale. La bande originale, avec des tubes comme « You Can Get It If You Really Want », « The Harder They Come », « Many Rivers to Cross » et « Sitting in Limbo », devient culte, diffusée en séances de minuit aux États-Unis pendant des années.
Jimmy Cliff n’était pas qu’un chanteur : il était un humaniste engagé. Ses chansons, comme « Vietnam » ou « Wonderful World, Beautiful People », dénoncent la guerre et célèbrent l’unité, tandis que « I Can See Clearly Now » (reprise de Johnny Nash) illumine les BO de films comme Cool Runnings. Prolifique, il enregistre plus de 30 albums, collabore avec les Rolling Stones, Paul Simon, Bruce Springsteen ou encore Willie Nelson. Deux Grammy à son actif – pour Cliff Hanger en 1986 et Rebirth en 2013 – et une induction au Rock and Roll Hall of Fame en 2010 couronnent une carrière qui a traversé les décennies.
En Jamaïque, où il fut décoré de l’Ordre du Mérite, la plus haute distinction culturelle, Cliff est un « géant culturel », dixit le Premier ministre Andrew Holness sur X (ex-Twitter). « Sa musique a porté le cœur de notre nation vers le monde, avec honnêteté et âme. » Des hommages affluent : la ministre jamaïcaine de la Culture Olivia « Babsy » Grange évoque « un ami perdu et un des plus grands fils de la Jamaïque », tandis qu’Ali Campbell d’UB40 se dit « brisé » par la disparition de ce « père fondateur du reggae ».
Jimmy Cliff avait une vision spirituelle de la mort : « On ne dit pas ‘passer’, mais ‘franchir’ – on va de l’autre côté de l’existence, sans fin réelle », confiait-il en 2020 après la mort de Toots Hibbert. Son esprit, affirment ses proches, « vibrera toujours avec nous ». À travers ses mélodies optimistes, il nous rappelle que, même face aux tempêtes, on peut « y voir clair maintenant ».
Repose en rythme, Jimmy. Le reggae ne s’éteindra jamais.
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