Face à l’aggravation de l’insécurité alimentaire en Guinée — qui touche aujourd’hui près de 35,8 % des ménages selon l’enquête AGVSAN 2024 de l’Institut national de la statistique — le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) propose un modèle innovant de surveillance automatique et d’alerte précoce, déjà testé dans plusieurs pays africains.
Un système de détection intelligent, même en absence de données directes
Le Cirad a développé une méthode reposant sur des indicateurs indirects facilement accessibles — prix du maïs, présence d’écoles ou d’hôpitaux — pour estimer l’état de l’insécurité alimentaire dans les zones difficiles d’accès.
Ces indicateurs permettent de prédire les niveaux de faim sans recourir à des enquêtes ménages classiques, souvent complexes à conduire en Guinée rurale ou dans les zones sinistrées.
Une situation critique en Guinée : causes et chiffres
Selon l’enquête AGVSAN 2024, la proportion de ménages guinéens en situation d’insécurité alimentaire est passée de 21,8 % en 2018 à 35,8 % en 2024, soit une hausse de 14 points en six ans.
- Environ 3,2 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrent de retard de croissance.
- Plus de 7,7 millions de personnes vivent dans la pauvreté, souvent contraintes de s’endetter pour se nourrir.
- Les régions les plus touchées sont Faranah (47,8 %) et N’Zérékoré (47 %), avec des pics dans certaines préfectures comme Yomou (77 %).
Vers une résilience locale : les pistes du Cirad
Le Cirad préconise une approche intégrée :
- Développement de systèmes d’alerte automatisés basés sur des données accessibles en temps réel.
- Promotion de pratiques agricoles durables, notamment à travers l’usage de légumineuses fertilisantes comme la mucuna ou la crotalaria, qui améliorent la fertilité des sols tout en réduisant l’usage d’intrants chimiques.
- Optimisation des procédés de transformation alimentaire — trempage, germination — pour diminuer les composés antinutritionnels tels que les alpha-galactosides ou les aflatoxines dans les légumineuses, améliorant ainsi la sécurité nutritionnelle locale.
Un outil stratégique pour éclairer les politiques publiques
En Guinée, l’adoption d’un système de surveillance circulant à partir de données indirectes pourrait,
entre autres bénéfices :
- Permettre des interventions plus rapides et localisées en cas de risque alimentaire,
- Mieux orienter la distribution d’intrants agricoles et les programmes de transferts sociaux,
- Faciliter la planification d’infrastructures de stockage ou l’amélioration des routes d’accès aux marchés ruraux.
En perspective : un modèle à adapter, un besoin urgent
Alors que la Guinée dispose d’un potentiel agricole important — mais largement sous-utilisé —, les défis liés à la pauvreté, aux conditions climatiques, à l’insuffisance d’infrastructures et aux chaînes post-récolte fragiles peinent à être corrigés.
La mise en place d’un système d’alerte précoce tel que proposé par le Cirad représente donc une opportunité stratégique pour réduire les vulnérabilités et renforcer la sécurité alimentaire à long terme.
En résumé, face à une crise alimentaire croissante, la Guinée gagnerait à s’inspirer du modèle du Cirad : des méthodes innovantes, accessibles et scientifiquement robustes pour mieux détecter, anticiper et répondre aux besoins alimentaires de sa population.
La Rédaction