C’est officiel : à partir du 29 novembre 2025, plus personne ne pourra circuler à moto en Guinée sans un permis de catégorie A en poche. Coût du précieux sésame ? 800 000 francs guinéens. Une mesure choc annoncée par le ministère des Transports qui fait déjà hurler les conducteurs de Jakarta… mais qui était plus qu’attendue.
Pendant des années, les rues de Conakry, Kindia, Labé ou N’Zérékoré ont ressemblé à un Far West motorisé. Des milliers de motos-taxis (les fameuses « jakarta ») slaloment entre les voitures, grillent les feux rouges, roulent à contresens, transportent quatre, cinq, parfois six personnes (bébés compris), sans casque, sans formation, et souvent sans même savoir lire un panneau de signalisation. Résultat : des accidents à la pelle, des morts et des blessés graves tous les jours, et une insécurité routière devenue la première cause de mortalité chez les jeunes hommes.
Alors oui, 800 000 GNF, c’est cher. Très cher quand on gagne à peine 500 000 ou 600 000 GNF par mois en faisant le taxi-moto. Mais soyons honnêtes : combien de familles ont perdu un fils, un frère ou un père parce qu’un gamin de 16 ans sans aucune formation a pris le guidon d’une moto chinoise d’occasion ? Combien de piétons ont été fauchés par des conducteurs qui ne savent même pas ce que signifie un stop ?
L’État a trop longtemps fermé les yeux. Les motos étaient devenues le moyen de transport le plus rapide pour contourner l’embolie de Conakry, alors on a laissé faire. On a laissé des adolescents sans diplôme devenir « motards » du jour au lendemain. On a laissé des machines de 125 cc transporter l’équivalent d’un minibus. On a laissé des conducteurs rouler bourrés, sans lumières, sans plaques, sans rien. Et on s’étonne après que les hôpitaux remplissent leurs morgues.
Cette fois, la plaisanterie est finie. Le permis obligatoire, avec examen théorique et pratique, c’est le minimum syndical dans n’importe quel pays qui se respecte. 800 000 GNF, ce n’est pas un « impôt » comme pleurnichent certains sur WhatsApp et TikTok, c’est le prix de la responsabilisation. Et si certains n’ont pas les moyens ? Qu’ils se cotisent à plusieurs, qu’ils demandent un crédit, qu’ils attendent, ou qu’ils changent de métier. Mais qu’ils arrêtent de mettre la vie des autres en danger.
Car c’est bien de ça dont il s’agit : arrêter le massacre. En 2024, plus de 1 800 personnes sont mortes sur les routes guinéennes, dont une écrasante majorité impliquant des motos. Derrière chaque statistique, il y a un drame. Et derrière chaque « jakarta » qui brûle un feu rouge, il y a un risque de tuer quelqu’un.
Alors oui, ça va faire mal. Oui, il y aura des grèves, des manifestations, des vidéos larmoyantes de motards qui « nourissent leur famille ». Mais dans six mois, dans un an, quand on verra les chiffres de la mortalité routière chuter, quand les rues seront un peu plus respirables, on se dira que ça valait le coup.
Le 29 novembre 2025 marquera, espérons-le, la fin de l’âge d’or de l’anarchie à deux-roues et le début d’une circulation enfin civilisée. Il était temps.
Chronique avec Mohamed Saliou CAMARA











