Dans la culture guinéenne, et plus particulièrement au sein de l’ethnie Soussou, le prénom n’est jamais choisi au hasard. Il incarne une mémoire, une situation vécue, une espérance ou une stratégie de protection contre l’invisible.
À travers les explications de Hawa Binttina Soumah, Ambassadrice de la Culture Guinéenne et Présidente-Fondatrice de l’ONG Cultures et Fiertés Guinéennes (CuFiG), nous plongeons dans la richesse symbolique des prénoms traditionnels Soussou.
Une identité façonnée par l’histoire familiale
Certains prénoms s’inscrivent dans l’ordre de naissance ou le lien à la généalogie :
- N’Sira désigne la première fille d’une fratrie.
- Sayon est réservé à l’enfant né juste après une naissance multiple (jumeaux, triplés…).
- Tanoundi et Mbemba signifient petit grand-père, et sont donnés aux enfants portant le nom d’un aïeul.
- Baadi ou N’Baadi (petit papa) et Ngady / Nnady (petite maman) désignent les enfants nommés en hommage aux géniteurs de leurs grands-parents.
Des prénoms chargés de spiritualité et de résilience
La culture Soussou traduit aussi, à travers le prénom, les douleurs et les espoirs liés à la maternité :
- Bouroukou (ramassé) est attribué à un enfant longtemps attendu, souvent après des difficultés à concevoir.
- Meli ou Melikhönè (nom d’un arbre très amer) est donné pour conjurer le mauvais sort, notamment après plusieurs pertes d’enfants.
- Sanfan reflète une prière silencieuse de la mère pour la survie d’un enfant après de nombreux décès précoces.
- Hassafan va encore plus loin : il évoque une mère en détresse, sans espoir apparent, mais qui croit encore à un miracle.
Une vision de l’apparence et du rang social
D’autres prénoms mettent en lumière l’aspect physique ou le statut social :
- Gbélia est souvent attribué aux garçons à la peau claire.
- Aförè s’adresse à ceux au teint très foncé.
- Kandet, comme Bökhi Kandè, signifie roi ou propriétaire terrien.
- Kanfory, contraction de Khamè fory (vieille personne), est un prénom respectueux, soulignant la sagesse des aînés dans la société africaine.
« Chez les Soussou, un prénom est un message, une mémoire vivante. Il raconte une douleur, un honneur, une naissance atypique, ou une prière que seule la tradition peut décoder. »
— Hawa Binttina Soumah, ONG CuFiG
Dans un monde où les identités s’uniformisent, redécouvrir la force symbolique des prénoms traditionnels, c’est faire un pas de plus vers la valorisation du patrimoine immatériel guinéen. Une richesse à préserver, transmettre, et surtout… comprendre.
La Rédaction