L’horloge électorale tourne à plein régime en Côte d’Ivoire. À cinq jours de l’élection présidentielle du 25 octobre, le pays oscille entre ferveur populaire et risque d’embrasement. Le président Alassane Ouattara, candidat à un controversé quatrième mandat, affronte quatre rivaux dans un scrutin sous haute tension, marqué par l’exclusion musclée de figures emblématiques de l’opposition et une répression accrue des manifestations. Entre meetings enflammés et barrages sécuritaires, la démocratie ivoirienne est à un tournant décisif.
Un scrutin à cinq têtes, mais sans les poids lourds
La Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil constitutionnel ont validé cinq candidatures le 8 septembre, après un tamisage impitoyable. Alassane Ouattara (RHDP, parti au pouvoir) mène la danse, surfant sur une croissance économique à 5 % et une lutte antiterroriste au nord. Face à lui :
– Simone Ehivet Gbagbo (MGC), l’ex-Première dame qui séduit la jeunesse avec son discours « capable ».
– Jean-Louis Billon (UPCI), ex-ministre vantant emplois et PME face à un chômage à 25 %.
– Henriette Lagou Adjoua (GP-PAIX), pionnière appelant à une présidence féminine.
– Ahoua Don Mello, indépendant discret focalisé sur les réformes locales.
La campagne, lancée le 15 octobre, bat son plein jusqu’au 23. Mais l’absence tonitruante de Laurent Gbagbo (condamné à 20 ans pour « braquage » de la BCEAO), Tidjane Thiam (radié pour double nationalité), Guillaume Soro (exilé et condamné) et Charles Blé Goudé transforme le vote en affaire de « candidats survivants ». L’opposition crie au « vol électoral », saisissant l’ONU et la CPI.
Répression en marche : manifestations bâillonnées, gendarmes visés
Le climat est électrique. Depuis début octobre, les rassemblements politiques sont interdits pour deux mois, invoquant la sécurité. Résultat : arrestations massives à Yopougon et ailleurs, dénoncées par Amnesty International comme « arbitraires ». Le 20 octobre, un gendarme a été tué près d’Agboville, ravivant les fantômes de 2020 (85 morts post-électoraux).
L’opposition, coalisée à Bonoua en septembre 2024, boycotte partiellement et appelle à un « verdict des urnes transparent ». Des libérations de prisonniers politiques en cascade et des prières interreligieuses tentent d’apaiser, mais l’ONG APD alerte : « Le dialogue manque cruellement. » L’émissaire ONU a vu Ouattara ; la France presse au calme.
Enjeux brûlants : emplois, terrorisme et réconciliation
Au-delà des bisbilles, les Ivoiriens jugent sur du concret : 60 % d’emplois précaires, menace djihadiste au nord, et fracture ethnique persistante. Ouattara promet stabilité ; ses rivaux, renouveau. Le fichier électoral révisé et le vote diaspora (1 million d’électeurs) pourraient faire pencher la balance. Second tour le 29 novembre si besoin.
Favori grâce au contrôle des institutions, Ouattara risque un scrutin délégitimé par un boycott. L’Institut V-Dem qualifie le régime d »’autocratie électorale ». Pour la stabilité ouest-africaine, tout repose sur un vote apaisé. Les regards du monde sont rivés sur Abidjan : la Côte d’Ivoire saura-t-elle éviter l’embrasement ?
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