Ces dernières semaines, la Guinée assiste à une véritable purge dans le secteur de la production d’eau minérale. Des milliers d’unités industrielles de production d’eau potable ont été fermées sur décision des autorités nationales. Motif évoqué : non-conformité aux normes sanitaires et absence d’autorisation réglementaire. Cette action, bien que saluée par certains, soulève une question de fond : où était le service de contrôle qualité pendant tout ce temps ?
Une explosion d’unités illégales
Selon les données du ministère du Commerce, plus de 2 500 unités de production d’eau opéraient à travers le pays en 2025. Sur ce chiffre, plus de 70 % ne disposaient ni d’agrément sanitaire, ni d’autorisation de mise sur le marché.
Des analyses effectuées par les services d’hygiène ont révélé que plus de 60 % des marques d’eau conditionnée ne respectaient pas les normes de potabilité de l’OMS, exposant ainsi la population à des risques sanitaires graves, notamment les maladies hydriques comme la typhoïde, le choléra ou encore les infections gastro-intestinales.
Une chaîne de contrôle fragilisée ?
Le rôle du Service National de Contrôle Qualité (SNCQ), censé veiller à la conformité des produits mis en consommation, est aujourd’hui sur la sellette. Plusieurs observateurs dénoncent un système essoufflé, sous-financé et en manque de moyens humains et logistiques.
Enquête interne :
- 1 inspecteur pour 200 unités industrielles dans certaines zones ;
- Manque d’équipements modernes pour l’analyse microbiologique ;
- Faible coordination entre les directions régionales et les services centraux.
Selon un ancien cadre du service, sous anonymat :
« Beaucoup d’unités fonctionnaient avec des complicités internes. Certains producteurs versaient des pots-de-vin pour échapper aux inspections. »
L’État tape enfin du poing sur la table
Face à la recrudescence des intoxications liées à l’eau, les autorités ont déclenché une opération nationale de contrôle. Des brigades mixtes (Hygiène, Environnement, Commerce) sillonnent les régions pour sceller les installations non conformes.
Le ministre du Commerce a affirmé dans une conférence de presse :
« Il ne s’agit pas d’asphyxier un secteur économique, mais de protéger la santé publique. Nous n’autoriserons plus aucune production hors norme. »
Quelles alternatives pour les consommateurs ?
En attendant la restructuration du secteur, les consommateurs sont appelés à la vigilance. Le gouvernement recommande :
- De vérifier les étiquettes d’autorisation et les codes de fabrication ;
- D’acheter l’eau uniquement auprès de marques homologuées ;
- Et de faire bouillir l’eau lorsque la provenance est douteuse.
La fermeture de milliers d’industries d’eau en Guinée est un électrochoc salutaire, mais qui met en lumière des années de laxisme administratif. Cette crise devrait servir de levier pour réformer en profondeur le système de contrôle qualité, en le dotant de moyens, de rigueur, mais surtout d’indépendance.
L’eau, source de vie, ne doit pas devenir un vecteur de maladie.
Mohamed Saliou CAMARA journaliste d’investigation Fact-checker Data analyst • E-mail : [email protected]