Les réseaux sociaux, longtemps considérés comme des espaces d’expression et de liberté, se transforment de plus en plus en zones de danger pour les femmes et les jeunes filles. Entre propagande genrée, désinformation et discours de haine, la toile africaine n’échappe pas à un phénomène mondial qui fragilise le vivre-ensemble et l’accès à une information fiable.
Quand la désinformation prend un visage sexiste
En Guinée, des campagnes de désinformation ciblant particulièrement les femmes leaders, militantes ou simples internautes se multiplient. Ces attaques, souvent déguisées en « humour » ou en « opinion », nourrissent des stéréotypes qui enferment les femmes dans des rôles réducteurs et les exposent à la violence numérique.
« Chaque fois que je prends la parole sur Facebook pour dénoncer une injustice, je reçois une avalanche de messages insultants, souvent liés à mon genre et non à mes arguments », témoigne Mariame Bangoura, Présidente de l’ONG Fille d’Aujourd’hui, Femmes de Demain FAFD, une ONG de défense des droits des filles et femmes en Guinée.
Des menaces qui vont au-delà du virtuel
Pour beaucoup d’activistes, la violence en ligne n’est pas qu’un problème numérique : elle déborde dans la vie réelle. Certaines militantes affirment avoir reçu des menaces directes suite à des publications critiques, les obligeant parfois à s’autocensurer.
« Quand des rumeurs fabriquées circulent à ton sujet, cela peut détruire ta réputation, ton travail et même tes relations familiales », explique Mariama Bah, coordinatrice d’un réseau de jeunes femmes leaders en Afrique de l’Ouest.
Le rôle des réseaux sociaux dans la propagation
Les plateformes numériques, en permettant la viralité des contenus, deviennent un terrain fertile pour la propagande genrée. De fausses informations, des vidéos sorties de leur contexte ou des photomontages sont utilisés pour discréditer les voix féminines dans l’espace public.
Des internautes guinéens commencent à réagir face à cette dérive.
« Trop c’est trop. Les attaques contre les femmes sur Twitter et Facebook sont devenues insupportables. On ne peut pas parler de démocratie si la moitié de la société est réduite au silence par la haine en ligne », réagit Alpha Kaba, étudiant et internaute actif à Conakry.
Des initiatives citoyennes pour riposter
Face à ce fléau, plusieurs ONG locales et panafricaines lancent des campagnes de sensibilisation. Des formations sur la cybersécurité, la vérification des faits et la réponse aux discours haineux se multiplient pour renforcer la résilience des jeunes internautes.
Cependant, les actrices de la société civile estiment que les plateformes et les autorités doivent prendre davantage de responsabilités.
« Les réseaux sociaux doivent investir dans la modération locale en Afrique. Quant à nos gouvernements, ils doivent protéger les victimes de cyberviolence au lieu d’instrumentaliser les lois pour faire taire les voix critiques », insiste Hassanatou Traoré, membre d’une ONG féministe.
Un enjeu pour l’avenir numérique africain
Alors que l’Afrique connaît une explosion du nombre d’utilisateurs connectés, la lutte contre la propagande genrée et la haine en ligne devient cruciale pour préserver une démocratie inclusive et respectueuse.
La Journée internationale de la non-violence célébrée ce 2 octobre rappelle que la bataille pour une société pacifique ne se joue pas seulement dans les rues, mais aussi dans le cyberespace, où des millions d’Africains construisent désormais leur opinion et leur avenir.
Nènè Issa Diallo – E-mail : [email protected]