Dans un contexte de nationalisation des ressources minières, la Nimba Mining Company S.A. (NMC) émerge comme le nouveau fleuron de l’industrie extractive guinéenne. Présentée comme une entité 100 % nationale, cette société minière soulève des interrogations : qui en est vraiment le maître à bord ? Entre affirmations officielles et rumeurs persistantes d’une influence française, Bambouguinee.com a enquêté pour démêler le vrai du faux.
Une création express au cœur de la transition
Née en août 2025 par décret présidentiel de Mamadi Doumbouya, la NMC n’est pas une novice dans le paysage minier guinéen.
À peine trois mois après son lancement, elle a déjà expédié ses premières 200 000 tonnes de bauxite, marquant un jalon symbolique pour l’indépendance économique du pays.
Cette opération n’est pas anodine : elle découle de la révocation controversée de la concession détenue par la Guinea Alumina Corporation (GAC), filiale locale d’Emirates Global Aluminium (EGA), un géant émirati.
Le gouvernement guinéen, sous la junte au pouvoir depuis 2021, justifie cette mesure par des manquements contractuels, notamment sur la construction d’une raffinerie de bauxite.
Officiellement, la NMC est une « société anonyme de droit privé détenue à 100 % par le ministère des Mines et de la Géologie », comme l’explique son directeur général (PDG) lors d’un entretien récent avec RFI.
Cette structure vise à maximiser les retombées locales : extraction, exportation et, à terme, transformation sur place de la bauxite, ressource clé de la Guinée qui détient les plus grandes réserves mondiales. Avec une production visée de 16 millions de tonnes par an, la NMC ambitionne de booster les recettes fiscales et l’emploi dans la région de Boké, épicentre de l’exploitation.
Patrice L’Huillier : Le Français à la barre d’un bastion national
C’est ici que les soupçons d’influence étrangère entrent en scène. À la tête de cette « première société minière 100 % nationale », on trouve Patrice L’Huillier, ingénieur français de 58 ans, recruté directement par les autorités de Conakry.
Ancien cadre chez Eramet (géant minier tricolore) et ERG (Eurasian Resources Group, kazakh), L’Huillier cumule plus de 30 ans d’expérience en Afrique et en Asie.
Sa nomination, annoncée en septembre 2025, a été saluée par la junte comme un choix stratégique pour relancer rapidement la production, arrêtée depuis des mois en raison du litige avec EGA.
« Nous visons une reprise de la production bauxite à la fin de l’année« , confie L’Huillier, qui se dit fier de contribuer à la souveraineté guinéenne tout en apportant son expertise internationale. Mais cette figure expatriée alimente les rumeurs : sur les réseaux sociaux et dans certains cercles de Conakry, on murmure que la NMC serait en réalité le cheval de Troie d’un « homme d’affaires français ». Ces allégations, souvent relayées sans preuves, pourraient provenir d’une confusion avec l’historique minier guinéen, marqué par des partenariats avec des firmes hexagonales comme Eramet. Pourtant, aucune source crédible ne corrobore une propriété privée française ; au contraire, les documents officiels et déclarations insistent sur le contrôle étatique total.
Un commentaire isolé sur LinkedIn évoquait même une filiale d’une société d’investissement belge, mais cette piste s’avère infondée face à l’unanimité des rapports journalistiques et officiels.
La NMC n’entretient aucun lien avec les projets ferreux historiques du mont Nimba (comme celui de Nimba Development Company), focalisés sur le fer et impliquant des acteurs belges ou canadiens.
Vers une ère de transparence minière ?
La nomination de L’Huillier illustre la stratégie pragmatique de la junte : souveraineté affirmée, mais expertise importée pour éviter les faux pas. « C’est un expatrié unique dans l’équipe, entouré de Guinéens », précise-t-il, soulignant une transition vers une gestion locale.
Déjà, les premiers envois de bauxite vers la Chine et l’Inde génèrent des revenus immédiats, avec des perspectives de partenariats pour une valorisation locale.
Pourtant, ce modèle hybride pose question : dans un pays où les ressources minières financent 80 % des exportations, la présence d’un dirigeant français ravive les débats sur la « guinéenisation » effective. Les autorités promettent plus de clarté, mais les observateurs attendent des audits indépendants pour balayer les ombres. En attendant, la NMC symbolise un pari audacieux : transformer la bauxite en levier de développement, sans se laisser piéger par les vieux démons de la prédation étrangère.
Par Mohamed Saliou CAMARA – Journaliste d’investigation – Fact-checker – Analyste des données – Email [email protected]











