Après deux semaines de négociations, la COP30 s’achève sur des textes finaux proposés qui sont loin de répondre aux besoins du monde. Ce qui devait être un accord climatique flexible, conçu pour rehausser les ambitions, a été au contraire rogné sur la question au détriment du plus petit dénominateur commun.
Dans leur empressement à prouver que le multilatéralisme fonctionne encore, les négociateurs ont abouti à des résultats qui ne contribuent guère à étayer cette affirmation. Il en résulte un ensemble de textes qui ne reflète ni l’urgence scientifique ni les réalités vécues par les communautés vulnérables déjà confrontées au dérèglement climatique.
Le financement figure parmi les points les plus litigieux. Les pays développés ont refusé de prendre des engagements concrets, compromettant ainsi les efforts visant à obtenir les ressources nécessaires aux pays en développement pour agir. Le mécanisme de transition juste , présenté dès le départ comme la pierre angulaire de la COP30, a été relégué aux négociations ultérieures et privé de sa fonction de coordination essentielle à son efficacité. La présidence a inauguré la conférence en la qualifiant de « COP de la vérité », or, deux semaines plus tard, les négociations restent au point mort, menaçant toute perspective de progrès réel.
Pour l’Afrique et les autres régions vulnérables, la déception est immense. Nous sommes arrivés à Belém avec des priorités dictées par l’aggravation des conséquences du changement climatique : sécheresses, cyclones, inondations et insécurité alimentaire. Au lieu d’un soutien concret, nous n’avons droit qu’à un discours édulcoré, davantage motivé par des considérations politiques que par la gravité des impacts climatiques. La plus grande catastrophe de notre époque n’est pas d’attendre que les gouvernements trouvent le courage, et les communautés en première ligne ne peuvent plus se permettre de payer le prix de l’hésitation mondiale.
Les pays en développement et la société civile ont maintes fois plaidé pour une action décisive en matière d’atténuation, d’adaptation et de transition juste. Pourtant, les projets de textes sur la table ne sont pour la plupart que des palliatifs, repoussant les ambitions à une année, une autre COP, une nouvelle série de consultations. Tant que les dirigeants n’écouteront pas les avertissements de plus en plus pressants des scientifiques et des communautés, le monde restera sur une voie dangereuse.
Les pays vulnérables se sont rendus à Belém pour exiger un objectif de financement de l’adaptation capable de faire progresser concrètement la réalisation de l’Objectif mondial d’adaptation (OMA). Or, le texte proposé se contente d’un discours édulcoré, appelant seulement à « déployer des efforts » pour tripler le financement de l’adaptation d’ici à 2030 par rapport à 2025, un seuil trop bas. Il n’impose aucune obligation aux pays développés, ce qui le rend moins ambitieux que l’engagement de Glasgow de doubler les financements, lequel faisait au moins référence à l’article 9.4 de l’Accord de Paris et reconnaissait la responsabilité des pays les plus riches. Le texte dissocie également le financement de la réalisation de l’OMA, n’aborde pas la question de la qualité des financements, tels que les dons, et ignore l’impératif d’un équilibre entre atténuation et adaptation. Sans lier le financement aux besoins réels ni définir un régime fondé sur les besoins, cette approche est loin de permettre de combler le déficit de financement de l’adaptation, qui devrait atteindre entre 310 et 365 milliards de dollars d’ici à 2035.
« Bien que les indicateurs GGA comprennent certaines garanties concernant les moyens de mise en œuvre, en l’absence d’un objectif de financement solide, fondé sur des subventions, qui sous-tend le cadre, ces indicateurs s’apparentent davantage à des compromis politiques qu’à des instruments capables d’assurer la résilience des communautés les plus à risque. »
Le plan de financement global révèle la même tendance. Nous avions demandé des engagements à la hauteur de la crise ; or, le texte élude la question des responsabilités. Le texte proposé pour l’article 9.1 , qui établit un programme de travail de deux ans sur le financement climatique, va au-delà de la mise en œuvre de l’article 9.1 et risque de se transformer en une simple plateforme de discussion sans résultats concrets. Il fait écho aux faiblesses des négociations sur le Nouvel Objectif Collectif Quantifié lors de la COP29 à Bakou l’an dernier, sans mécanisme de responsabilisation, sans précision et sans plan d’action contraignant d’ici à 2026. Il reflète presque exclusivement les positions des pays développés, laissant les pays en développement au point de départ.
« Bien que les négociateurs aient écarté les indicateurs les plus problématiques du GGA liés aux budgets nationaux et au financement privé, le reste du dispositif manque toujours de clarté et de cohérence. Sans ressources concrètes, sous forme de subventions, liées au GGA, il demeure un compromis diplomatique plutôt qu’un plan crédible pour renforcer la résilience. »
Le rapport sur la transition juste reconnaît l’importance d’un mécanisme de transition juste, mais ne va pas jusqu’à l’établir à Belém ni à lui confier la fonction de coordination essentielle à sa mise en œuvre. Ce retard prive des millions de travailleurs, notamment ceux des secteurs informels en Afrique et dans les pays du Sud, du soutien dont ils ont un besoin urgent. Par ailleurs, la suppression des références aux minéraux critiques du programme de travail sur la transition juste constitue un autre revers majeur. La mort de plus de 30 mineurs artisanaux de cobalt en RDC en début de semaine devrait nous alerter sur les dangers auxquels sont confrontées les communautés qui fournissent des minéraux indispensables à la transition mondiale vers les énergies renouvelables. Omettre ces questions du texte revient à minimiser le coût humain de l’extraction minière et à ignorer la nécessité de chaînes de valeur équitables.
Les négociations sur l’atténuation des effets de la crise n’ont pas été moins tendues. Les pays développés ont insisté pour réaffirmer les engagements pris dans le bilan mondial de la COP28, malgré des contributions déterminées au niveau national (CDN) bien en deçà des exigences. Ils ont accusé les pays en développement aux mêmes vues d’être responsables des retards, alors que ce sont précisément ces pays qui sont arrivés à Belém sans les financements et les moyens de mise en œuvre nécessaires pour concrétiser leurs ambitions. Si jamais ils présentent de véritables engagements et que les pays en développement aux vues similaires continuent d’entraver les progrès, alors ces critiques pourraient se justifier. En attendant, ces pays restent des boucs émissaires commodes pour masquer l’inaction des principaux responsables de la crise.
Il reste encore une courte période pour faire preuve de leadership. Si les pays développés s’engagent concrètement en fournissant des financements sous forme de dons, des échéanciers crédibles et des mécanismes capables de coordonner l’aide, la COP30 pourrait encore apporter plus qu’une simple déception. Le monde a besoin d’engagements clairs, pas de vaines paroles ; de coordination, pas de retard ; de solidarité, pas d’ambiguïté stratégique. Dans les prochaines heures, il est encore temps d’être ambitieux et sincère, et les enjeux pour les communautés vulnérables sont plus importants que jamais.








