Dans un climat de calme relatif mais sous haute tension politique, les Guinéens-Bissau ont voté hier, dimanche 23 novembre, pour élire leur président et renouveler les 102 sièges de l’Assemblée populaire nationale. Avec près de 966 000 électeurs inscrits
ce double scrutin marque un tournant pour un pays gangrené par l’instabilité depuis son indépendance en 1974, jalonné de quatre coups d’État et d’innombrables tentatives de putsch. Les premiers résultats provisoires, encore partiels ce lundi, placent le président sortant Umaro Sissoco Embaló en tête pour une victoire dès le premier tour, tandis que l’opposition dénonce une exclusion arbitraire de ses figures de proue.
Un vote massif dans la sérénité, malgré les ombres du passé
Dès les premières heures du jour, les bureaux de vote ont connu une affluence remarquable. À Bissau, capitale animée par une présence militaire renforcée, les files d’attente s’allongeaient devant des sites comme l’école primaire Ernesto Che Guevara bien avant l’ouverture officielle à 7 heures
« Le vote se déroule dans un climat pacifique. Aucune perturbation n’a été notée jusque-là », a rassuré Idriça Djalo, secrétaire exécutif adjoint de la Commission nationale des élections (CNE)
Dans les régions rurales comme Safim ou Gabu, les électeurs, dont beaucoup pour la première fois, ont bravé la chaleur pour accomplir leur devoir civique, exprimant un espoir de « changement en construisant des infrastructures » face à une pauvreté touchant près de 40 % de la population
Ce scrutin intervient dans un contexte de paralysie institutionnelle : le Parlement est bloqué depuis 2023 suite à une présumée tentative de coup d’État, et la Guinée-Bissau reste une plaque tournante du trafic de drogue en Afrique de l’Ouest
Umaro Sissoco Embaló, au pouvoir depuis 2020, brigue un second mandat – une première consécutive depuis 1994 si il l’emporte. Âgé de 52 ans, l’ancien général portugais s’appuie sur son parti, l’Alliance du changement – Parti social renouvelé (MAI), et promet stabilité et développement économique.
Duel Embaló-Dias : 12 candidats, mais une opposition muselée
Parmi les 12 prétendants à la magistrature suprême, le duel oppose Embaló à Fernando Dias Da Costa, un cadre militaire retraité soutenu par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), formation historique fondée par Amílcar Cabral
Ce dernier, exclu du scrutin avec son leader Domingos Simões Pereira pour « dossiers déposés tardivement »
incarne l’opposition. Le PAIGC, premier parti d’opposition, qualifie cette décision de « manipulation » orchestrée par le pouvoir en place, alimentant les craintes d’un scrutin biaisé
Selon des résultats provisoires circulant ce lundi, Embaló serait en position de force pour l’emporter au premier tour, avec Dias Da Costa en seconde place
Des observateurs sur les réseaux sociaux, comme un utilisateur sénégalais alertant sur les liens présumés de Dias avec des mouvements séparatistes, soulignent les enjeux régionaux
Embaló a d’ailleurs averti contre toute « proclamation prématurée des résultats », réservant ce privilège à la CNE
Côté législatif, le renouvellement des 102 sièges vise à débloquer les institutions. Le MAI d’Embaló, au pouvoir depuis les législatives de 2023, affronte une coalition hétéroclite incluant des dissidents du PAIGC.
Enjeux cruciaux : Stabilité ou risque de chaos ?
Au-delà des personnalités, ce vote porte sur l’avenir d’un État fragile. « Embaló a une conception autoritaire du pouvoir », critique Bubacar Turé, président de la Ligue guinéenne des droits humains, qui appelle à u0-électorales
Les électeurs, comme Alamar Bidinthilé, chauffeur de 40 ans, ou Mayo Sa, ouvrier de 53 ans, aspirent à un « changement » concret : routes, écoles, et lutte contre la corruption qui mine l’économie casamançaise
Les résultats provisoires officiels sont attendus au plus tard jeudi 27 novembre, avec un possible second tour le 21 décembre si aucun candidat n’obtient 50 % des voix. La communauté internationale, via l’Union africaine et la CEDEAO, surveille de près ce scrutin, espérant qu’il scelle enfin la paix dans ce « État failli » d’Afrique de l’Ouest.
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