Dans un scénario digne des pires cauchemars politiques d’Afrique de l’Ouest, l’armée guinéenne a renversé le président Umaro Sissoco Embaló ce mercredi, déclarant avoir pris le « contrôle total » du pays. Des tirs nourris ont retenti dans la capitale Bissau, et les frontières ont été scellées, alors que le processus électoral – déjà houleux – est suspendu sine die. Ce putsch, survenu à la veille de l’annonce des résultats d’élections législatives contestées, plonge la fragile Guinée-Bissau dans l’incertitude.
Un assaut éclair sur le palais présidentiel
Tout a basculé en fin de matinée, lorsque des unités militaires loyales au général de brigade Denis N’Canha, commandant de la Garde présidentielle, ont investi le palais présidentiel au cœur de Bissau. Selon des témoins oculaires, des échanges de tirs sporadiques ont été entendus près du siège de la Commission électorale, avant que les soldats ne paraissent à la télévision d’État pour officialiser leur prise de pouvoir.
Le président Embaló, élu en 2019 dans un climat de tensions, a lui-même confirmé son arrestation dans une déclaration à »Jeune Afrique », affirmant : « J’ai bien été renversé » sans qu’aucune force n’ait été utilisée contre sa personne.
Il est actuellement détenu sous haute surveillance, tandis que les putschistes invoquent une « crise institutionnelle profonde » pour justifier leur intervention.
Les militaires ont également imposé un couvre-feu strict à partir de 18 heures et fermé l’aéroport international de Bissau, isolant le pays de 2 millions d’habitants. Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des blindés en position dans les rues de la capitale, et des habitants barricadés chez eux, craignant une escalade de la violence.
Contexte : Élections volées et instabilité chronique
Ce coup d’État intervient trois jours après des élections législatives marquées par des accusations massives de fraudes. L’opposition, emmenée par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), avait déjà contesté les résultats préliminaires, dénonçant une « manœuvre » du pouvoir en place pour s’accrocher au fauteuil présidentiel.
La Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise indépendante depuis 1974, est un terreau fertile pour les coups d’État : neuf tentatives ont été recensées depuis son accession à la souveraineté, la dernière en 2022 ayant visé le même Embaló.
Le pays, l’un des plus pauvres au monde avec un PIB par habitant inférieur à 800 dollars, est miné par la corruption endémique, le narcotrafic et des luttes claniques au sein de l’armée. « C’est l’aboutissement d’années de tensions refoulées », analyse un expert de l’Institut français des relations internationales (IFRI), soulignant le rôle pivotal des généraux dans la politique guinéenne.
Réactions internationales : Alarme chez la CEDEAO et l’UA
La nouvelle a provoqué une onde de choc en Afrique de l’Ouest. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA) ont publié un communiqué conjoint exprimant leur « profonde préoccupation » et appelant à la « restauration immédiate de l’ordre constitutionnel ».
Les missions d’observation électorale, venues de l’Union européenne et de la France, ont rejoint le chœur des condamnations, exigeant la libération du président et la reprise du processus démocratique.
À Paris, le Quai d’Orsay a convoqué l’ambassadeur guinéen pour des explications, tandis que Washington et Bruxelles menacent de sanctions économiques. « La CEDEAO ne tolérera pas un autre État failli dans la région », a tonné le président nigérian Bola Tinubu, dont le pays préside le bloc régional.
Vers une transition incertaine ?
Pour l’heure, les putschistes n’ont pas annoncé de calendrier pour une transition, se contentant de promettre une « stabilisation » du pays. Mais l’histoire guinéenne enseigne la prudence : les coups d’État y mènent souvent à des purges sanglantes ou à des interventions étrangères. Les regards se tournent désormais vers la CEDEAO, qui pourrait opter pour des sanctions ou, pire, une force d’intervention.
En attendant, Bissau retient son souffle. Ce mercredi 26 novembre 2025 marquera-t-il un nouveau chapitre noir pour la Guinée-Bissau, ou le début d’une ère de réformes forcées ? Une chose est sûre : l’Afrique de l’Ouest, déjà ébranlée par les juntes au Mali et au Niger, ne peut se permettre un autre domino qui tombe.
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