Une situation sanitaire et humanitaire « inhumaine » prévaut désormais à travers Gaza et les conditions continuent de se détériorer, a averti mercredi le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
« Gaza est devenue une zone de mort », a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, aux journalistes lors d’un point de presse à Genève.
« Une grande partie du territoire a été détruite. Plus de 29.000 personnes sont mortes. De nombreuses autres sont portées disparues et présumées mortes. Et de très nombreuses autres personnes sont blessées », a-t-il ajouté.
Dans la bande de Gaza ravagée par la guerre, la malnutrition sévère a considérablement augmenté depuis le début de la guerre le 7 octobre, passant de moins de 1% de la population à plus de 15% dans certaines zones.
« Ce chiffre augmentera à mesure que la guerre se poursuivra et que les approvisionnements seront interrompus », a dit Dr Tedros, exprimant sa profonde inquiétude quant au fait que des agences telles que le Programme alimentaire mondial (PAM) ne puissent pas accéder au nord de Gaza.
Le PAM a suspendu ses livraisons d’aide dans le nord de l’enclave en raison du manque de sécurité pour le personnel humanitaire et pour ceux qui ont besoin d’aide.
Une ONG attaquée
La guerre a de lourdes conséquences sur les travailleurs humanitaires, avec des centaines de morts.
Un abri de Médecins Sans Frontières (MSF) a été bombardé mardi soir, blessant le personnel et tuant des membres de leur famille.
Le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, Martin Griffiths, s’est dit consterné par l’attaque, ajoutant qu’il se tenait à leurs côtés dans leur chagrin.
« Les humanitaires risquent leur vie. Comme tous les civils, ils doivent être protégés », a-t-il ajouté dans un message sur X, anciennement Twitter.
« Dans quel monde vivons-nous ? »
Le chef de l’OMS, Dr Tedros, a réitéré les graves risques pour les travailleurs humanitaires et la nécessité de garantir leur protection.
« Dans quel monde vivons-nous lorsque les gens ne peuvent pas obtenir de nourriture et d’eau, et lorsque ceux qui ne peuvent même pas marcher ne peuvent pas recevoir de soins ? », a-t-il déploré.
« Dans quel type de monde vivons-nous lorsque les agents de santé risquent d’être bombardés alors qu’ils effectuent leur travail de secours [et] les hôpitaux doivent fermer parce qu’il n’y a plus d’électricité ni de médicaments pour aider à sauver les patients ? », a-t-il ajouté.
Il a souligné la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat, de la libération des otages, de faire taire les armes et d’un accès humanitaire sans entrave.
« L’humanité doit prévaloir », a déclaré le chef de l’OMS.
Évacuations d’hôpitaux
Au cours des trois derniers jours, l’agence de santé des Nations Unies et ses partenaires ont effectué plusieurs missions d’urgence au complexe médical Nasser à Khan Younis, dans le sud de Gaza, pour évacuer des patients gravement malades, dont des enfants.
« Les unités de soins intensifs ne fonctionnant plus, l’OMS a aidé à déplacer les patients, dont beaucoup ne peuvent même pas marcher », a déclaré Dr Tedros.
Environ 130 patients malades et blessés et au moins 15 médecins et infirmières sont toujours à l’hôpital, au milieu des opérations militaires israéliennes en cours, sans électricité ni eau courante et avec une diminution des fournitures médicales vitales.
Violences basées sur le genre
Mercredi également, des experts indépendants des Nations Unies en matière de droits humains ont appelé Israël à mettre en œuvre de toute urgence un cessez-le-feu immédiat et des mesures humanitaires concrètes, en mettant particulièrement l’accent sur les besoins des femmes et des filles palestiniennes.
Citant l’arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ) du 26 janvier, les experts ont souligné les problèmes urgents liés aux perturbations scolaires, à la destruction des maisons, à l’accès limité aux soins de santé et aux risques accrus auxquels sont confrontées les femmes et les filles à Gaza et en Cisjordanie, notamment en matière de violence basée sur le genre.
Face à un accès de plus en plus limité aux traitements, les experts ont réclamé la fin des attaques des forces israéliennes contre les hôpitaux, soulignant la nécessité de mesures tenant compte du genre pour répondre aux besoins urgents des personnes vulnérables.
Ils ont spécifiquement appelé à la création d’un hôpital de campagne, à la facilitation de l’acheminement de l’aide, à la priorisation des produits d’hygiène menstruelle, à la construction d’abris et d’écoles supplémentaires et à la fourniture d’espaces sûrs pour les survivantes de violences basées sur le genre.
« La mise en œuvre de ces mesures constituerait une démonstration attendue depuis longtemps qu’Israël se soucie de la protection des civils et respecte leurs droits humains », ont-ils déclaré.
Nommés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour surveiller les principales questions liées aux droits de l’homme, les experts sont indépendants de l’ONU ou de tout gouvernement, servent à titre individuel et ne perçoivent aucun salaire pour leur travail.