Depuis plusieurs années, le débat sur l’immigration en France est parasité par une idée persistante : « les migrants vivraient du social versé par l’État ». Cette affirmation, répétée sur les plateaux télé et dans les conversations de café, alimente polémiques et fantasmes. Mais que dit réellement la réalité du terrain ? Nous sommes allés à la rencontre de migrants et d’acteurs sociaux pour comprendre le fonctionnement des aides et la vérité derrière ce cliché.
Un droit conditionné au statut administratif
En France, le « social » n’est pas une manne distribuée indistinctement. Chaque aide répond à des critères juridiques stricts : régularité du séjour, ancienneté de résidence, voire cotisations.
• Demandeurs d’asile : une aide spécifique, l’ADA (allocation pour demandeur d’asile), d’environ 204 € par mois pour une personne seule.
• Réfugiés statutaires : une fois leur statut reconnu, ils accèdent aux mêmes droits sociaux que les citoyens français (RSA, APL, allocations familiales).
• Étrangers en situation régulière : accès aux aides seulement après 5 ans de résidence stable, sauf s’ils ont déjà travaillé et cotisé.
• Sans-papiers : aucune allocation, uniquement l’AME (Aide Médicale d’État) pour se soigner.
Témoignages : le quotidien derrière les chiffres
Mamadou, 28 ans, demandeur d’asile guinéen, hébergé dans un centre à Lyon :
« On nous dit qu’on touche plein d’argent, mais moi je reçois 6,80 € par jour. Avec ça, je dois me nourrir et me déplacer. Heureusement qu’une association nous aide avec des colis alimentaires. »
Claire Dubois, assistante sociale en Île-de-France :
« Beaucoup de Français pensent que les migrants arrivent et touchent directement le RSA. C’est faux. La plupart vivent avec des montants très bas, parfois en dessous du seuil de pauvreté, et dépendent du soutien associatif. »
Ousmane, 34 ans, réfugié guinéen, régularisé depuis trois ans :
« J’ai mis presque deux ans pour obtenir mes papiers. Pendant ce temps, je n’avais droit à rien. Aujourd’hui, je touche le RSA mais je cherche du travail. Je ne veux pas rester dépendant, je veux m’intégrer. »
Marie Lefort, bénévole à la Cimade :
« On entend souvent que les migrants abusent du système. La réalité, c’est l’inverse : ce sont eux qui subissent des procédures interminables et vivent dans une grande précarité. Les aides sont vitales, mais ce ne sont pas des privilèges. »
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Le paradoxe : des aides vitales mais stigmatisées
Les chiffres de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) montrent qu’en 2024, plus de la moitié des demandeurs d’asile vivaient sous le seuil de pauvreté malgré l’ADA. De nombreuses associations dénoncent un « mythe du migrant assisté », alors même que la majorité cherche à travailler et à s’insérer rapidement.
Une conclusion claire : entre fantasme et réalité
Les migrants en France ne « vivent pas du social » au sens où certains l’entendent. Ils survivent, souvent dans des conditions précaires, grâce à des aides encadrées, limitées et difficilement accessibles.
Loin des clichés, leurs parcours témoignent d’un quotidien de lutte et d’espoir. Entre suspicion publique et procédures administratives, beaucoup aspirent simplement à s’émanciper et à contribuer à la société française.
Mohamed Saliou CAMARA – Journaliste d’investigation – Fact-checker – Data analyst – E-mail – [email protected]