En lisant dans les communications politiques des autorités civiles toute catégorie confondue, sous le CNRD, l’on a tendance à comprendre une stratégie désespérée, inopportune et insouciante de faire du RAVEC l’argument d’extension du calvaire des Guinéens par un prolongement du délai de la transition fixé librement par le CNRD.
Sans oublier que ce délai de 24 mois (1er janvier 2023 – 31 décembre 2024) qui été accepté en guise de bonne fois par le peuple de Guinée et la communauté internationale à travers la CEDEAO, l’a été, avec un bonus de 16 mois (05 septembre 2021 – 31 décembre 2022) depuis le 05 septembre 2021.
Pour des progressistes, cette durée en bonus de 16 mois, aurait suffi à elle seule, comme durée d’une transition à succès, par des réformes stratégiques et des élections libres et transparentes dans un contexte, comme le nôtre, sans aucun problème de sécurité.
En effet, ces compatriotes à la commande accidentelle des affaires publiques, en voulant arrimer le RAVEC aux appétits de conservation ou de conquête transitoire du pouvoir, ont-ils mesuré les risques d’une telle aventure, à savoir entre autres:
Le risque de provoquer un désintérêt quasi-total des Guinéens au processus du RAVEC (modernisation et rapprochement de l’état civil des citoyens), en voulant l’associer à l’établissement d’un fichier électoral pour les élections au compte de la transition;
Le risque de manipulation des données de base d’un état civil voulu pour la sécurité, le développement socio-économique et administratif, à travers un processus douté et bâclé;
Le risque d’utilisation inopportune de ressources financières et matérielles dans un processus en manque de confiance et d’adhésion des populations, car perçu comme enjeux aux fins politiciennes ;
Le risque de manque de capitalisation des acquis antérieurs et de décourager les apports (techniques et financiers) extérieurs, en abandonnant le fichier électoral qui a servi à l’élection présidentielle de 2020, dont les efforts conjugués avec les partenaires (CEDEAO, OIF, Nations Unies,…) ont permis de rendre plus ou moins propre et accepté de toutes les parties.
Alors, de toute évidence, il faut noter que le processus de modernisation de l’état civil (RAVEC) qui était en cours depuis 2018 dans des communes pilotes du pays, requiert de la confiance et l’adhésion de façon indispensable des citoyens dans leur diversité, donc des acteurs majeurs de la publique, surtout en période de transition. C’est aussi un processus qui demande du temps et des ressources importantes.
Il faut, par ailleurs rappeler, que dans un programme National de modernisation de l’état civil, intégré à un programme Sous Régional de lutte contre l’apatridie dans les pays de l’espace CEDEAO au terme de 2024, j’ai, conduis, au compte de notre organisation, un projet dans 10 Communes Rurales et 05 Communes Urbaines pour la promotion de l’accès aux actes d’état civil.
Cet engagement citoyen, en appui aux communautés rurales principalement, à travers la mobilisation sociale (information, sensibilisation, formation…) et l’octroi gratuit des jugements supplétifs transcris pour les enfants démunis, mais aussi la reconstitution des actes d’état civil des mineurs Guinéens en situation d’irrégularité à l’étranger (notamment en France) et le plaidoyer auprès des autorités et les partenaires, nous a permis de saisir à fond la sensibilité, l’importance et l’ampleur du travail à faire pour un état civil moderne et accessible aux citoyens Guinéens partout sur le territoire national et à l’étranger.
Au regard de ces faits pratiques et risques indiqués, il est établi que toute stratégie, visant à prolonger les 40 mois (du 05 septembre 2021 au 31 décembre 2024) de transition, soit environ trois (3) ans et demi, malgré l’exacerbation de la souffrance multidimensionnelle que subissent les Guinéens dans leur quotidien avec la corruption, l’enrichissement illicite et la violation des libertés et des droits qui sont érigés en norme pour faire face aux aléas de la gestion de la transition, serait mal saine et combattue par les moyens pour une Guinée au respect restauré.
En conséquence, il serait sage et réaliste avec responsabilité patriotique de la part des autorités actuelles, la question de dissocier le fichier électoral, de la modernisation de l’état civil (RAVEC) et son rapprochement des citoyens du monde urbain au monde rural, y compris les Guinéens établis à l’étranger.
Enfin, avec la sagesse et tous ces facteurs sociopolitiques et les enjeux de développement économique et humain combinés, la Guinée pourra se doter, peut être dans cinq (5) ans ou plus, d’un état civil moderne et fiable permettant l’établissement d’un fichier électoral reflétant les réalités pour des élections crédibles et acceptées de tous.
Abdoul Sacko
Coordinateur National des Forces Sociales de Guinée
Consultant en Conflits & Gouvernance
Pour une Guinée progressiste au bien-être collectif